Indemnisation des travaux sur l’immeuble de son conjoint : comment se faire rembourser ?
- quentinprim
- 26 mai 2024
- 4 min de lecture

La situation est fréquente : l’un des membres du couple est propriétaire d’un immeuble, dans lequel des travaux sont nécessaires (pose d’une cuisine, réfection d’une salle de bain, agrandissement voire rénovation totale…).
Cela tombe bien, son conjoint est manuel et se propose d’effectuer les travaux ou d’en financer une partie, qu’il s’agisse de l’achat de matériaux, d’une participation au paiement du prêt travaux ou d’un apport en capital pour payer les artisans.
Lors de la séparation, peut-il se faire indemniser son travail et rembourser les sommes avancées ? Plusieurs facteurs entrent en jeu, en particulier le régime conjugal applicable.
Mariage en communauté : un remboursement facilité
Si le couple est marié sous un régime communautaire (régime légal de la communauté réduite aux acquêts ou communauté universelle), il sera aisé pour le conjoint de se faire indemniser les sommes qu’il a avancées.
Cette remarque vaut quel que soit le mode de participation choisi : qu’il s’agisse d’un apport en capital, d’un achat de matériaux ou du paiement des échéances d’un prêt. Il convient simplement d’apporter la preuve que les travaux ont été financés par l’époux qui n’est pas propriétaire du bien.
S’il a utilisé des fonds propres (issus par exemple d’un héritage), il s’agit d’une créance entre époux et le remboursement lui est dû personnellement. S’il a utilisé des fonds communs (comme ses revenus ou des sommes déposés sur un compte joint), c’est la communauté qui a droit à une récompense, qui sera partagée entre les deux époux lors de la liquidation.
Par ailleurs, le montant de cette créance ou récompense tient compte de la plus-value réalisée grâce aux travaux, ce qui peut être intéressant pour l’époux qui a réalisé la dépense.
Mariage séparatiste ou Pacs : des obstacles à l’indemnisation
Si le couple est marié sous un régime séparatiste (séparation de biens ou participation aux acquêts) ou simplement pacsé, l’indemnisation s’avère plus difficile.
Depuis une dizaine d’années, la Cour de cassation considère que toute dépense relative au logement de la famille (Civ. 1ère, 15 mai 2013, n° 11-26.933) ou à une résidence secondaire affectée à l’usage familial (Civ. 1ère, 18 déc. 2013, n° 12-17.420) entre dans l’obligation de contribution aux charges du mariage et ne crée aucune créance entre époux (art. 214 C. civ.).
Cette règle s’applique également entre partenaires pacsés au titre de l’aide matérielle réciproque prévue à l’article 515-4 du code civil (Civ. 1ère, 27 janv. 2021, n° 19-26.140).
Néanmoins, une créance peut naître de cette participation dans trois cas :
- Si l’époux ou le partenaire a financé les travaux par le biais d’un apport en capital de fonds personnels (Civ. 1ère, 5 avr. 2023, n° 21-22.296) ;
- Si les travaux concernent un immeuble qui n’est pas à usage familial, notamment s’il s’agit d’un immeuble loué à un tiers (Civ. 1ère, 5 oct. 2016, n° 15-25.944) ;
- Si les dépenses réalisées excèdent la contribution normale aux charges du mariage, en raison de leur ampleur et des revenus de chaque conjoint. Cette situation est toutefois rarement caractérisée par les magistrats.
Si une créance est reconnue, elle tiendra compte de la plus-value apportée par les travaux.
Concubinage : un fort aléa judiciaire
En matière de concubinage, il n’existe pas de texte imposant une obligation de contribution aux charges ou une aide matérielle réciproque comme en matière de mariage ou de Pacs.
Par conséquent, c’est le droit commun des obligations qui est censé s’appliquer aux relations entre concubins.
La réalisation de travaux sur un immeuble appartenant à son concubin peut alors être qualifiée d’enrichissement injustifié (art. 1303 et s. C. civ.). Celui qui a financé les travaux devra prouver qu’il s’est appauvri tandis que l’autre s’est corrélativement enrichi, en produisant à la fois les justificatifs des dépenses réalisées et de la plus-value apportée à l’immeuble (Cass. Civ. 1ère, 2 mai 2024, n° 22-16.707). C’est la moindre de ces deux sommes qui sera retenue.
Si les travaux ont consisté en une construction sur le terrain du concubin, les règles de l’empiètement sont également applicables (art. 555 C. civ.). Il pourra être insemnisé pour le coût des matériaux et de la main d’œuvre ou selon la plus-value générée.
Toutefois, plusieurs arrêts ont refusé de reconnaître une créance au concubin ayant financé les travaux dans l’immeuble de l’autre si celui-ci avait en également bénéficié, et avait ainsi reçu une contrepartie à son investissement. C’est le cas lorsque l’immeuble amélioré constituait le logement familial (v. pour le paiement des échéances de prêt : Civ. 1ère, 10 juin 2015, n° 14-18.442 ; et pour une construction : Civ. 1ère, 2 sept. 2020, n° 19-10.477). La Cour de cassation y a vu une convention tacite de participation aux charges du ménage.
La jurisprudence sur ce point n’est pas arrêtée et pourrait évoluer. Elle se rapproche du régime applicable aux mariages séparatistes et au Pacs.
Et pour les travaux effectués en nature ?
Lorsque les travaux n’ont pas été financés par le conjoint non-propriétaire mais qu’il les a réalisés lui-même, il est plus difficile d’obtenir une indemnisation.
La preuve d’un travail manuel est délicate à apporter, mais peut être faite au travers d’attestations de témoins ayant constaté la réalisation des travaux.
Idem pour les travaux payés « au noir » : à défaut de pouvoir prouver leur financement, la reconnaissance d’une créance est impossible.
Par ailleurs, les mêmes obstacles que ceux présentés plus haut pourraient s’appliquer : l’industrie du conjoint peut être qualifiée de contribution aux charges du ménage.
Quand bien même une créance serait reconnue, elle sera difficilement quantifiable.
La liquidation d’un patrimoine conjugal est soumise à des règles complexes. Il est préférable d’être accompagné par un professionnel lorsqu’elle devient nécessaire. Maître PRIM vous assiste dans ce type de litiges afin de voir reconnaître l’ensemble de vos droits.
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